Ramadan est à nos portes et comme chaque année tout un peuple attend ce mois enveloppé de mysticisme, huile de friture, jeux de cartes, soirées TV et religiosité. On attend ce mois avec un mélange de joie, d’appréhension et de frénésie consumériste où telle la fourmi on met sa pitance de côté le jour, pour comme la cigale se péter le bide une fois le soir venu. Mois où l’on observe le Jeûne au lever du soleil et la jeunette une fois la nuit tombée. Mois pendant lequel les nombreux salons de thé des beaux (ou pas) quartiers se parent de leurs plus beaux atours et multiplient par 10 leurs nombres de tables au détriment du trottoir pour les plus disciplinés et de la route pour les plus téméraires.
Une chicha au smig journalier norvégien
Le coût élevé des bakchiche demandés par les agents municipaux (dont le rôle est de faire respecter la loi dans la limite des stocks d’honnêteté disponibles), justifierait selon certains des tenanciers de ces lieux de débauche halal le prix de la chicha aux pommes qui frôlerait le smig journalier norvégien. Mais rien n’est trop beau pour impressionner sa dulcinée, et la chicha symbole phallique s’il en est, est devenue par un curieux paradoxe dont seules nos sociétés ont le secret, symbole de virilité. C’est donc le cœur plein d’espoir qu’on aborde ce mois saint, en espérant devenir un mâle sain qui aurait évacué tout ce qui pourrait être malsain de son quotidien (je vous laisse admirer cette allitération en « seins » du plus bel effet littéraire, non dénuée d’allusion graveleuse aux poitrines nourricières de ces gentes dames). Est-ce pour autant un blanc-seing donné à la vertu aux bons sentiments et à l’agriculture bio ? Que nenni ! En effet les bonnes résolutions des premiers jours telles que faire du sport, purger son corps, arrêter la clope, passer plus de temps en famille viennent souvent s’écraser contre le mur de la triade maléfique : brika, 9ahwa, chicha.
2 Heures de travail effectif vs 8 minutes pour le secteur public
Et c’est ainsi que les espoirs d’un esprit sain dans un corps sain se noient dans les huiles de fritures les parties de rami jusqu’à pas d’heure et la fumée amiantée des narguilés. Les plus consciencieux d’entre nous vont cependant dans un geste d’une grande maturité quitter la table du jeu et de la débauche à 3h pétantes du matin souvent sous le prétexte fallacieux du devoir professionnel qui nous attend dans quelques heures mais qui en vérité est surtout motivé par la perspective d’un s7our aux petits oignons dans une des pâtisseries du quartier. A noter que les différents repas gargantuesques pris au coucher du soleil ne dépendent aucunement du fait qu’on ait jeûné ou pas durant la journée. Le jeûne n’est peut-être pas une obligation (parce que liberté de conscience, agnosticisme, « le ramadan c’est hypocrite), etc …) par contre se péter le bide en est une. Et à ce jeu-là nous sommes tous dans la doxa la plus rigoriste en appliquant à la lettre les obligations alimentaires du ramadan.
C’est donc la panse bien pleine que l’on part se coucher après avoir maté la rediffusion du feuilleton de ramadan qui est « nul, mal joué, grotesque, truc de meufs mais je le regarde parce que je veux connaitre la fin ». Une paire d’heures de sommeil plus tard on se dirige vers le boulot pour s’acquitter des 2 heures de travail effectif (8 min dans le secteur public), qui seront suivies d’un long compte à rebours ou l’on égrènera les minutes qui nous séparent de l’appel à la prière marquant la rupture du jeûne et des muscles abdominaux mis à rude épreuve pendant ce mois lunaire. Ce long compte à rebours sera meublé par une sieste de 6 à 9h (selon l’élasticité de notre boss), pleine de bave et de sueur, le visionnage d’une série tv en streaming et le rerematage (pour la 3ieme fois) de la rediffusion du feuilleton de la veille. Bref Bon ramadan à tous
K.H
