07 Mai 2019

La Juventus : Meilleur ami de l’Europe.

 La Juventus : Meilleur ami de l’Europe.

Il s’appelle Skander. Jeune et fringant, il arbore un sourire de publicité de dentifrice. Diplômé d’une prestigieuse école de commerce suisse et sortant de deux ans de tour du monde, il prend des responsabilités au sein de l’empire familial. Telle serait la Juventus si elle était un homme. Le bon parti, le gendre idéal, tout pour plaire. Et pourtant, ça coince quelque part. 

 

Retour aux sommets 

Le club phare de Turin et de l’Italie fait tout dans les règles de l’art : depuis sa relégation administrative en 2006, s’en sont suivies une saison dans l’antichambre de l’élite, puis trois autres de galère de retour en série A. Notamment deux saisons successives à une piteuse septième place. Depuis, Andrea Agnelli a pris les rênes de l’équipe pour entamer un cycle victorieux qui semble parti pour durer. 

Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Depuis son retour au haut niveau, la Juve rattrape son retard à grandes enjambées. Elle s’est offerte un centre d’entrainement dernier cri, un stade flambant neuf, et un recrutement à la hauteur de ses ambitions débordantes. Les résultats ne se font pas attendre. La menuiserie du quartier travaille à plein régime pour fabriquer des armoires à trophées, et les adversaires ne nourrissent même plus l’ambition d’aller les titiller tant la différence de classe est manifeste. 

 

De même, les finances sont au beau fixe, l’équipe est gérée d’une main de maître par une direction des plus compétentes. Le club change d’identité visuelle et part à la conquête des marchés internationaux. La Juventus est le seul club européen d’envergure à dégager des bénéfices avec Arsenal, dont la réussite financière lui a néanmoins fait oublier de jouer au foot.

Toutefois, malgré ce tableau largement flatteur, Skander un problème. Il est autant heureux en affaires que malheureux en amour. S’il peut se targuer d’être irrésistible dans son pays, enchainant les conquêtes comme des M&m’s après une période de régime, sa réussite est beaucoup plus nuancée à l’international. 

 

Les démons du passé
En effet, aussi brillante soit-elle, la Juve se casse toujours les dents sur la plus prestigieuses des compétitions européennes. Deux coupes d’Europe pour neuf finales disputées, la Vielle Dame justifie d’un taux de refoulement digne d’un administré au guichet de la STEG de cité El khadhra. Vierge de tout titre depuis 1996, elle dispute pas moins de cinq finales depuis, pour autant de revers (dont 2 lors des 4 dernières années). Les déconvenues interviennent aussi bien contre des rivaux historiques (les deux ogres espagnols) que contre d’autres plus improbables (Borussia Dortmund en 1997). Pis encore, la Juventus réussit à se faire éliminer au bout de confrontations dantesques, comme face au Real l’année dernière, ou face Au Bayern deux ans plus tôt, en manquant d’un cheveu de renverser des situations désespérées. 

Pas foncièrement moins faible que l’opposition, la Juventus pêche par le manque de réussite qui sépare les grands clubs dont elle fait partie des champions. Un pénalty concédé aux arrêts de jeu, un but injustement refusé ou un tirage qui la met face au futur vainqueur (trois fois lors des 4 dernières campagnes), la réussite semble systématiquement tourner le dos au plus grand club italien, pourtant souvent cité parmi les favoris. 

 

Let’s be friends!  
Cette coupe, Graal des graals, est la convoitise de toute l’Europe du foot. Cette beauté (qu’on appellera Feriel) courtisée par une liste longue comme une réunion du lundi matin, toise la foule d’un regard foudroyant. Elle scrute un à un ses prétendants, dont notre Skander qui, une année après l’autre croit toujours en ses chances. Et pour cause, le bougre a des arguments à faire valoir : une plastique flatteuse, une culture à l’avenant, des manières, de l’humour et une conquête définitivement pas de marbre. 

Ainsi, après les premiers flirts, indéniablement encourageants, Skander prend de l’assurance. Il se met à l’aise, prend la main de Feriel pour amorcer un contact physique qu’il espère plus intime avec le temps, et se permet même de lui redresser une mèche rebelle sous son regard approbateur. Tout va bien. 

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Alors qu’il est définitivement sur sa lancée, fort d’un parcours sans faute, et fier d’avoir coiffé sur le poteau des prétendants pour le moins coriaces, Skander peut enfin se permettre d’y croire. Porté par l’euphorie et armé d’un poème en alexandrins, il espère transformer ce coup de plume en coup de rein. Mais que ne fut sa surprise en se découvrant, la faute à une faille spatio-temporelle, en train d’enchainer les confidences de sa désormais ex-future sur ses déboires affectifs passés. Alors qu’il pensait tomber sur la mère de ses enfants, Skander s’est visiblement (encore) fait une nouvelle amie. Celle qui ne manquera pas de le remercier pour ses bons conseils, tout en donnant une nouvelle chance à son ex vivant à Madrid. Un portugais aux cheveux gominés. 

 

La Juventus n’est peut-être pas prête de goûter aux joies du sacre européen, mais personne ne pourra lui enlever un autre mérite, celui d’avoir inventé un concept : la friendzone du football. 

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S.M