07 Janvier 2021

Who's Hoa ? Yassine Redissi, le marchand de rêves et d'émotions

Who's Hoa ? Yassine Redissi, le marchand de rêves et d'émotions

A l'aise, clair dans ses propos riches en punchlines, Yassine Redissi est ce qu'on appelle en jargon journalistique « un bon client ». S'il jouait les timides au début de l'entretien : « Mais qu'est-ce que je vais pouvoir raconter de moi ? », sa nature -aussi sociale que bavarde- a bien vite repris le dessus.
C'est que Yassine Redissi sait où il en est et où il veut aller. En l'occurrence, développer le site web 66kif et ses vidéos montrant la Tunisie méconnue.

 

En 2017, Yassine Redissi achète le nom de domaine 66kif, qui deviendra le site internet pour partager ses bonnes adresses tunisiennes et surtout une boite à . Fin 2018, il commence à réaliser des vidéos qui rencontrent un certain succès. 

« J'avance à tâtons, selon l'inspiration du moment. Quand je trouve un lieu oublié ou des activités sympa, je me lance. J'aspire à connaître mon pays et à le faire connaître », explique Yassine Redissi qui estime que les Tunisiens, à commencer par lui, connaissent mal leur pays : « On a vécu dans un microcosme, on était coupé du reste du pays, surtout les habitants de la banlieue nord de Tunis. On partait en vacances, mais on restait dans la zone de confort de l'hôtel. J'ai appris à connaître mon pays et ses habitants après la révolution. » Le Marsaoui, marié depuis un an, utilise ses fonds propres pour financer ses vidéos. Pour la Ghriba, il a cependant obtenu un partenariat avec Tunisair Express et une maison d'hôtes afin de limiter les frais. A l'avenir, ce fan des émissions « Echappées belles » et « Un train pas comme les autres » aimerait multiplier ces accords ou trouver une chaîne qui diffuserait ses vidéos.


 

« j'ai ressenti l'appel du pays. Je me sentais beaucoup plus utile en Tunisie que là-bas. »

 


 

Yassine Redissi connaît bien le monde de la télévision. Tout juste diplômé de l'IHEC, il décide de changer de chemin à la révolution : « Cela a réveillé plein de choses en moi. J'avais envie de militantisme et cela a révélé ma passion pour l'écriture. » Le Franco-Tunisien part un an se former à l'Institut de journalisme et d'études multimédia (IJEM) de Paris. Il travaille ensuite quelques mois à Libération Voyages mais « j'ai ressenti l'appel du pays. Je me sentais beaucoup plus utile en Tunisie que là-bas. » En 2013, il fait un passage éclair sur Nessma TV avec deux chroniques « à la Bedos » diffusé en prime time. Il quitte la chaîne suite à un désaccord. Il rejoint alors Telvza TV où il produit et anime une émission culturelle, Carafan, pendant un an et demi.

 


Il s'éloigne un temps des médias et lance deux start-up : « PicStore » qui permet d'imprimer les photos publiées sur les réseaux sociaux, et « Hello surf

 

 », une plateforme de cours de paddle et de surf, sa passion. Cette dernière est aujourd'hui gérée par un professeur de surf. La première a été revendue au bout d'un an et demi, ce qui lui offre une « petite rente » pour financer 66kif.

 

 

D'abord très actif pour commenter la politique tunisienne sur les réseaux sociaux, Yassine Redissi, qui gagne sa vie en faisant du consulting, cherche un autre engagement. « J'étais fatigué de critiquer. Il y a plein de gens, comme Lotfi Hammadi , qui font ça très bien. On a eu une première année, en 2011, d'euphorie, puis on a régressé sur les questions identitaires, l'Islam. J'ai vécu une grave désillusion. J'avais envie de parler d'autre chose, d'être plus positif », explique le fils de Hamadi Redissi, politologue et opposant à Ben Ali. D'où 66kif dont le but est de « vendre du rêve » et « défendre la Tunisie ».

 


Mais celui qui a toujours rêvé de faire du cinéma ne s'arrête pas là. Déjà auteur d'un moyen métrage avec Amel Guellaty, "Nés au printemps", il écrit actuellement deux courtes fictions. Depuis deux ans, il travaille surtout sur un documentaire « qui me tient énormément à cœur » concernant l'auteur-compositeur-interprète Henri Tibi. Après un court succès, au milieu du XXème siècle, ce juif tunisien qui a si bien chanté son pays natal, a été rapidement oublié. A Besançon où il est mort, le Franco-Tunisien avait acquis une petite réputation en chantant dans la rue une de ses chansons phare, la Goulette
. Yassine Redissi, qui l'a découvert par hasard dans un livre, souhaite terminer ce long métrage cette année : « Je ne pourrais pas avancer tant que je n'aurais pas terminé. C'est un sujet qui m'anime et m'obsède » indique le jeune homme. Encore une fois, il s'agit de mettre en lumière cette Tunisie oubliée.

Maryline Dumas